Confortablement assis sur une chaise berçante usée qui laissait parfois entendre un grincement sur le plancher en bois de la maison, Gabriel Lavallée vaguait dans ses pensées. Une douce lueur automnale s’infiltrait à travers les fenêtres du salon et dessinait des ombrages chatoyants à travers toute la pièce. Cette mi-saison qui allait tranquillement sur son déclin avait revêtu sa robe aux couleurs jaunâtres pendant que de son côté les arbres serraient étroitement leurs feuilles pour qu’elles ne s’envolent pas. On aurait dit que le temps s’était soudainement arrêté afin de permettre à Gabriel de revoir certaines images qui le tourmentaient.

Les yeux baissés et la mine songeuse, ce brave agriculteur profitait de ce précieux moment de solitude. Encore passablement bouleversé par de pénibles souvenirs, une boule d’émotion lui traversa la gorge et l’ombre d’une tristesse lui voila subitement les yeux. Une partie de son passé douloureux se déploya devant lui affichant des scènes dramatiques comme dans un film. Ébranlée, Gabriel Lavallée revoyait alors les images de son départ précipité du village Saint-Méthode qui lui avait arraché les entrailles et lui avait laissé une profonde empreinte dans le cœur.

En se remémorant cet exode imprévu, une larme d’amertume coula sur les joues de Gabriel. Passablement ému, le pauvre homme n’entendit presque pas les pas de sa femme Flavie qui se dirigeait doucement vers lui. Voyant l’état de son mari, elle s’arrêta brusquement et ressentit une brève douleur qui martelait son cœur encore trop fragile. Gabriel avait bien changé depuis cette épreuve, pensa-t-elle avec chagrin. Son regard s’était passablement assombri et plusieurs rides marquaient son visage, ce qui le faisait paraître plus vieux que son âge…